Voici donc la suite de mes dix jours en réanimation, ou je vous expliquais les différentes étapes qui ont suivi mon réveil, jusqu’à ma sortie. Et bien dans cet article, je vais vous expliquer comment psychologiquement j’ai vécu ces dix jours.
Les deux-trois jours qui ont suivi mon réveil, je me sentais plutôt bien, j’étais content déjà de m’être réveillé, puis on m’a extubé assez vite et tout de suite je respirais tout seul avec mes nouveaux poumons. Et surtout je n’avais pas trop de douleur. Oui mais voilà , à côté de ça, mon cerveau lui a eu plus de mal à suivre ce changement. (vous verrez ça surtout dans le prochain article)
Pour commencer, histoire de vous mettre un peu dans l’ambiance, voici un petit état des lieux :
Déjà en réanimation, il vous est impossible de distinguer le jour de la nuit car il y a toujours de la lumière. Le seul point de repère horaire était celui du changement d’équipe à 7h et à 19h. Bon il est vrai que parfois la nuit, l’intensité de l’éclairage était diminué, mais il y a quand même tout le reste. Et il y a notamment beaucoup de bruit de ventilations, de machines et pleins de bips sonore d’alarme. Puis à tout cela vous rajouter aussi le passage des infirmières toute les heures pour vérifier si tout va bien, noter les constantes (fréquence cardiaque, saturation, tension….), vous brancher une perfusion ou deux, contrôler le niveau des drains…
Et bien voilà , vous êtes prêt maintenant ! 🙂
Vous imaginez bien que dans ces conditions, il devient difficile au bout d’un moment de pouvoir se reposer et même de dormir. Bien sur avec l’anesthésie, la morphine et tout les autres produits qui coulaient dans mes veines, les premiers jours je n’ai pas eu trop de problème pour dormir. Mais voilà tous ces produits ont leurs effets secondaires qui vont vite se faire ressentir.
Et très vite quand je fermais les yeux, j’ai commencé à voir défiler des images. Je voyais d’abord apparaà®tre des arbres, puis des animaux ainsi que des êtres humains, le tout sur un fond au couleur d’automne. Et puis tout ce petit monde évoluait, les hommes prenaient une forme animale et les animaux une tête d’humain. Puis la forêt laissait sa place à la ville. Et au milieu de tout ce petit monde, je voyais aussi défiler des souvenirs de mon enfance. Je me voyais à la pêche aux grenouilles, ou encore en train d’apprendre à faire du vélo. Mais tout cela allait vite, je n’ai aucune idée précise de la durée de ces visions, peut-être 5-10 minutes… Enfin je pense !!
Et plus les jours passaient, moins j’arrivais à dormir. Quand je fermais les yeux, j’avais l’impression qu’il faisait encore plus clair que si j’avais les yeux ouverts. Un peu comme si j’avais un projecteur devant les yeux ! Du coup les images devenaient moins visibles, un peu comme s’il y avait du brouillard. Et puis je me suis mis à écouter de la musique. Alors oui la journée, les infirmières mettaient parfois la radio, mais la nuit elle était bien éteinte.
Mais attention j’écoutais pas une musique du genre « berceuse ».
Non non, j’écoutais en boucle « Thriller » de Mickaël Jackson et notamment le rire machiavélique final…
(à voir et écouter ici : http://youtu.be/jQ_ExkfcBao)
On fait mieux comme berceuse non ?
Avec un peu de recul, je me souviens que lorsque le clip est sorti je devais avoir une dizaine d’années, il était conseillé d’éloigner les enfants du téléviseur, mais je l’avais vu quand même par-dessous la table. Mais du coup j’en avais fais des cauchemars. à‡a m’apprendra tiens ! 🙂
Bref, avec tout ça, j’étais un peu plus stressé et je dormais de moins en moins. Puis est venu s’ajouter aussi le mal de dos. Déjà que j’aime pas dormir sur le dos, mais rester 24h/24 allongé sur un matelas pas des plus confortable s’en était trop pour mon dos. (même le meilleur des matelas n’aurait pas suffit je crois à me calmer). Alors pour limiter la douleur, je remontais souvent le lit pour être un peu assis. Il m’est même arrivé de m’endormir assis car je souffrais moins.
Voyant que je n’arrivais pas a dormir, les médecins m’ont demandés si je voulais prendre des cachets. Je n’aime pas trop ce genre de traitement mais là je me suis dit que ce serait peut-être bien. La nuit suivante donc, j’avale mes deux cachets me disant qu’enfin j’allais passer une bonne nuit…. Et bien mauvaise idée !!
En effet je n’ai pas fermé l’Å“il de la nuit. J’ai tourné en rond toute la nuit (oui même sur le dos j’arrive à tourner en rond) énervé, stressé, mal au dos, et toujours cette musique…
Bref une nuit de rêve quoi !
Ce n’est qu’au petit matin que j’ai réussi à fermer l’Å“il. Oui car bizarrement c’est la journée que j’arrivais à mieux me reposer. Pourtant entre les différents examens (radios, fibro…), et les visites, cela ne m’empêchait pas de piquer un roupillon. Mes paupières étaient lourdes, lourdes !! En fait c’était parfois même désagréable, je ne pouvais pas lutter, mais finalement cela me permettait de récupérer un peu.
Mais voilà le matin c’est l’heure de la toilette. Pfff !! Qu’est-ce que j’aimais pas ça ! J’avais l’impression d’être un « morceau de viande » que les aides soignantes venaient nettoyé de la tête aux pieds. Une fois propre devant, on me tournait sur un côté pour faire le dos et elle en profitait pour glisser un nouveau drap propre sur la moitié du lit. Ensuite je revenais sur le dos pour basculer à nouveau mais de l’autre côté, afin qu’elle puisse tirer le nouveau drap en entier. Et pour finir, elle tirait le drap vers le haut pour tendre un peu. Oui c’est toute une technique mais ce qui est sur c’est que j’étais bien secoué !
En parlant de moment désagréable, il y a aussi celui ou je devais appeler l’infirmière quand j’avais un besoin urgent. Pour ça, elle vous glisse un bassin sous les fesses et une fois installé,… ben y’a plus qu’à !!
Oui alors c’est facile à dire comme ça mais en pratique ça l’est beaucoup moins car en étant allongé les fesses remontées posées sur ce bassin, tout de suite l’envie vous passe. Du coup il m’est arrivé d’y rester 10-15 min en vain. Mais le plus humiliant c’est quand enfin ça ce décide à sortir, il faut encore que l’aide soignante vienne vous torcher les fesses…
Heureusement que très vite je pourrais me lever et on m’installait sur une chaise pot, ce qui est un peu plus confortable. Même si ça me demandait quelques efforts, ça me faisait du bien de me lever. Et pour la toilette aussi je me débrouillais seul au bout de quelques jours. Par contre le moral en avait pris un coup quand j’ai constaté que mes mollets et cuisses avaient bien fondue. Mais quand j’ai vu que j’arrivais à me lever et à marcher je me suis dit que tout n’était pas perdu.
Pour en revenir à cette nuit blanche, autant vous dire que la nuit suivante je n’ai pas repris de cachet censé me faire dormir. En revanche, la douleur étant toujours très présente à ne plus savoir quelle position adopter pour ne pas avoir mal, et les Doliprane n’étant pas très efficace, on m’a fait passer une perfusion de Topalgic. Alors là tout de suite j’ai senti une chaleur m’envahir, je sentais mon corps s’enfoncer dans le lit, et petit à petit une sensation de douceur, de légèreté, l’impression de m’envoler, plus aucune douleur… le paradis ?
Mais au réveil la douleur était toujours bien présente.
Et les deux dernières nuits avant ma monté dans le service pneumo, j’ai été à nouveau plongé en plein délire. Cette fois-ci j’entendais des voix, en fait j’avais l’impression d’écouter les conversations des infirmières qui étaient pourtant dans les couloirs. Un peu comme si je lisais sur les lèvres, chose que je ne sais pas faire, mais sauf que là j’entendais bien, ou du moins j’imaginais leur conversation. Comme si cela ne suffisait pas, j’entendais aussi des voix plus familières comme celle de ma famille ou de mes amis qui parlait de moi comme si ils ne me reverrait jamais. J’avais beau me voir en train de leur dire que non j’étais encore en vie, que tout se passait bien et que l’on allait bientôt pouvoir se revoir, rien n’y faisait, ils continuaient leur discussions comme si je n’étais pas là .
D’ailleurs ni eux ni moi n’étaient là , tout ça ce passait dans ma tête. Je savais bien que j’étais soutenu par beaucoup de personnes, ma mère me faisait passer quelques messages et tous étaient impatients de me voir, ou de me revoir.
Est-ce que ce transfert sera une sortie du tunnel ? Pas sur !
Vous verrez cela dans le prochain article… oui parce que je prends un peu soin de vous quand même, je voudrais pas que vous me fassiez une indigestion ! 😉
3 Comments
Tout ce que tu décris ici, ça reste déjà impressionnant à lire, alors à vivre, je n’imagine même pas. Le principal est que tu aies retrouvé un quotidien un peu plus serein (j’espère).
Par contre, le coup de « la suite au prochain épisode », c’est frustrant, parce que maintenant, j’ai encore envie de te lire, et de lire la suite 😉
Oui depuis je vais mieux. Fini les petites voix, les hallucinations… je dors un peu mieux.
Et pour la suite il faudra attendre que je finisse de recopier mes notes mais ça ne saurait trop tarder 😉
Je saurai être patiente ! 🙂
Te lire me permet de relativiser les petits maux du quotidien, qui ne sont que très peu de choses face au combat que mènent certaines personnes pour (sur)vivre. D’où l’envie de continuer à te lire… !